Bioconvergence et immortalité : vers un avenir où l’humain et la machine ne font plus qu’un ?

La bioconvergence désigne l’intersection entre la biologie, les technologies numériques, et les innovations en ingénierie. Là où la biologie rencontre l’intelligence artificielle (IA) ou la robotique, ces disciplines, autrefois cloisonnées, collaborent pour résoudre des problèmes complexes et repousser les limites naturelles de l’être humain.

Cette convergence ne se limite pas à la médecine ou à la réparation du corps. Elle redéfinit la conception même de la vie : peut-on prolonger l'esprit au-delà de la durée du corps biologique ? La bioconvergence incarne une quête transhumaniste, visant à transcender nos limites biologiques en fusionnant avec des dispositifs technologiques capables de pallier la fragilité humaine.

Depuis quelques années, les avancées autour des interfaces cerveau-ordinateur (Brain-Computer Interfaces - BCI) stimulent les débats sur la possibilité de préserver ou d'amplifier les facultés cognitives humaines. Les recherches menées par des entreprises telles que Neuralink, fondée par Elon Musk, s’inscrivent dans cette perspective. Neuralink travaille sur des implants cérébraux capables de créer une connexion directe entre le cerveau et une machine, ouvrant ainsi des perspectives saisissantes pour maintenir notre “moi intérieur” actif au-delà de ses limites biologiques.

Mais comment ? Les implants cérébraux pourraient permettre de sauvegarder, voire transférer, les données neuronales humaines vers des systèmes numériques. En 2020, un prototype implanté sur un cochon a démontré la capacité à “lire” en temps réel les signaux cérébraux. À terme, ces puces pourraient non seulement compenser des pertes cognitives dues à des maladies neurodégénératives comme Alzheimer, mais aussi enregistrer la conscience humaine sous une forme qui ne serait plus soumise aux atteintes physiques.

Cela dit, des questions éthiques majeures se posent : qui aurait accès à une telle technologie ? La sauvegarde numérique serait-elle fidèle à l’individualité humaine, ou ne deviendrait-elle qu’une copie dénuée d’émotions et d’intuition ?

Les exosquelettes, outils mécaniques amplifiant les capacités physiques de leur utilisateur, constituent une autre facette de la bioconvergence. Initialement développés pour les militaires ou pour les personnes en situation de handicap, ils offrent de nouvelles opportunités pour prolonger la vie active du corps humain vieillissant.

Par exemple, des entreprises comme Ekso Bionics conçoivent des exosquelettes qui promettent non seulement de restaurer les fonctions motrices des individus paralysés, mais aussi de renforcer les capacités physiques au-delà des limites humaines actuelles. Un exosquelette pourrait devenir une seconde peau, résistante et adaptable, repoussant les effets inévitables du vieillissement.

Avec des capteurs sophistiqués et une communication directe avec les muscles via des impulsions électriques, ces dispositifs pourraient non seulement permettre aux corps usés de retrouver leur vigueur, mais aussi d’opérer des tâches que la biologie seule ne permettrait jamais, comme porter des charges lourdes ou résister à des pressions extrêmes.

Si les puces cérébrales représentent une interface directe entre l’homme et la machine, les interfaces cerveau-ordinateur ouvrent la voie à de nouvelles formes de communication et de créativité. Imaginez un monde où vos pensées pourraient directement contrôler un ordinateur, où vos souvenirs pourraient être partagés ou téléchargés sur un cloud universel.

Des expériences visant à relier des cerveaux humains à des systèmes numériques montrent déjà des résultats prometteurs. À l’université de Stanford, des patients atteints de paralysie totale ont pu utiliser leurs pensées pour taper des mots sur des écrans, à raison de 90 caractères par minute. À une échelle plus ambitieuse, une telle technologie pourrait être envisagée comme une passerelle pour “pousser” nos pensées et personnalités dans des environnements numériques, indépendants de notre déclin physique.

Le concept de transférer la conscience humaine dans une machine, popularisé par la science-fiction, n’est plus si éloigné de la réalité. Cette idée repose sur la capacité à numériser notre esprit - en d'autres termes, cartographier et recréer l'ensemble des connexions neuronales qui définissent notre identité, notre mémoire et notre conscience.

Une initiative ambitieuse baptisée le “Human Brain Project”, financée par l’Union Européenne, s’efforce de simuler numériquement le cerveau avec une précision sans précédent. Bien que ce projet, débuté en 2013, n’ait pas encore atteint ses objectifs visionnaires, il ne fait aucun doute que la simulation parfaite d'une conscience humaine numérique reste l’un des piliers du transhumanisme.

Pourtant, une question fondamentale demeure : une conscience transférée dans une machine est-elle encore “humaine” ? Si tout ce qui nous compose - souvenirs, savoir, même émotions - peut être transféré dans un programme informatique, qu’en est-il de l'authenticité de l'expérience humaine ? Se poserait alors une autre question, plus spirituelle que technique : une telle existence dépouillée de la biologie aurait-elle une véritable signification ?

L’intelligence artificielle (IA) joue un rôle crucial dans la convergence entre l’homme et la machine. En combinant des technologies telles que l’apprentissage profond et la modélisation des données humaines, l’IA pourrait, théoriquement, permettre de recréer une “réplique numérique” d’un individu. Plus concrètement, des expériences comme les chatbots mémoriels - des assistants virtuels entraînés sur les données personnelles d’une personne défunte - permettent déjà de prolonger la mémoire d’un être disparu sous une forme interactive. Une idée à la fois fascinante et troublante.

Par ailleurs, à mesure que l'IA acquiert des capacités prédictives et analytiques perfectionnées, elle pourrait devenir un guide pour optimiser les systèmes biologiques humains non seulement pour vivre plus longtemps mais pour mieux vivre. De la médecine de précision à la construction de cerveaux artificiels, ses applications semblent infinies.

La bioconvergence promet un avenir où les frontières entre la biologie et le numérique s'estompent, où l'immortalité devient techniquement envisageable. Mais ce rêve technologique n’est pas sans poser des défis éthiques immenses : qui détiendrait le contrôle sur ces technologies ? Nous dirigent-elles vers une humanité augmentée et libre, ou vers un système qui exacerbera les inégalités sociales et biologiques ?

Sur le plan philosophique, une autre interrogation persiste : l’immortalité physique ou numérique est-elle réellement désirable ? Au-delà du confort et de la maîtrise des limites humaines, une existence infinie pourrait engendrer un sentiment d’ennui, de désaffection ou d’aliénation. L'éternité, pensait Nietzsche, pourrait bien devenir un fardeau écrasant.

La quête d'immortalité technologique, bien qu'encore balbutiante, ouvre un champ de possibles fascinant sur ce que pourrait devenir l'humanité dans les siècles à venir. Toutefois, la poursuite de la bioconvergence ne peut se limiter à une fascination pour la technologie. Elle doit inclure une réflexion profonde sur la valeur de l’expérience humaine, sur le sens de la mort, et sur ce qui compose véritablement notre essence.

Comme souvent aux intersections des grandes révolutions scientifiques, émergent des inconnues qui ne peuvent être explorées qu’en avançant pas à pas, avec lucidité et prudence. Peut-être, alors, il ne s'agit pas uniquement de trouver l'immortalité, mais de réinventer ce que signifie "vivre".